"Croire que l’on s’est débarrassé de l’individualisme bourgeois parce que l’on s’exprime à l’ombre protectrice des classes sociales et de leurs luttes, que l’on semble agir contre le profit, l’exploitation de l’homme par l’homme, les puissances d’argent, les pouvoirs établis, c’est faire preuve d’une parfaite ignorance de ce qui motive, dirige, oriente les actions humaines et avant tout de ce qui motive, dirige et oriente nos propres jugements, nos propres actions."
"En pays capitalistes (…), le système, cimenté par la puissance adhésive de la marchandise, accepte, pourvu qu’elle se vende, toute idée, même révolutionnaire. Sa vente ne peut que favoriser la cohésion du système et montrer le libéralisme idéologique de la société qui l’autorise."
On
aurait pu espérer que, libérés de la famine et de la pénurie, les peuples
industrialisés retrouveraient l’angoisse existentielle, non pas celle du
lendemain, mais celle résultant de l’interrogation concernant la condition
humaine.
On aurait pu espérer que celle résultant du temps libre, autorisé par
l’automation, au lieu d’être utilisé à faire un peu plus de marchandises, ce
qui n’aboutit qu’à mieux cristalliser les dominances, serait abandonné à
l’individu pour s’évader de sa spécialisation technique et professionnelle. En
réalité, il est utilisé pour faire un recyclage au sein de cette technicité en
faisant miroiter à ses yeux, par l’intermédiaire de cet accroissement de
connaissances techniques et de leur mise à jour, une facilitation de son ascension
hiérarchique, une promotion sociale.
Ou bien on lui promet une civilisation de
loisirs. Pour qu’il ne puisse s’intéresser à l’établissement des structures
sociales, ce qui pourrait le conduire à en discuter le mécanisme et la
validité, donc à remettre en cause l’existence de ces structures, tous ceux qui
en bénéficient aujourd’hui s’efforcent de mettre à la disposition du plus grand
nombre des divertissements anodins, exprimant eux-mêmes l’idéologie dominante,
marchandise conforme et qui rapporte."
Extraits du film d'Alain Resnais : Mon oncle d'Amérique, 1980.
Inspiré par les travaux du professeur Henri Laborit.
l'éloge de la fuite 1
l'éloge de la fuite 2 par gazobu