2019-10-19

La langue façonne la pensée




SOURCE https://www.pourlascience.fr/sd/linguistique/la-langue-faconne-la-pensee-6479.php



Les langues que nous parlons modifient notre façon 
de percevoir le monde et nos capacités cognitives.










Article paru dans N°407 - Septembre 2011


J’ai rencontré une petite fille âgée de cinq ans à Pormpuraaw, une petite communauté aborigène à l’Ouest de la péninsule du Cap York, au Nord de l’Australie. Quand je lui ai demandé de m’indiquer le Nord, elle a pointé le doigt vers le Nord, sans hésiter. 

Et elle ne s’était pas trompée. Plus tard, dans une salle de conférences de l’Université Stanford en Californie, j’ai réitéré ma demande auprès de chercheurs distingués, lauréats de médailles et de prix scientifiques. Je leur ai demandé de fermer les yeux (pour qu’ils ne puissent pas tricher) et de pointer le doigt vers le Nord. Beaucoup ont refusé, car ils ignoraient la réponse. Ceux qui ont accepté ont pris le temps de réfléchir et ont indiqué diverses directions… J’ai répété cette expérience à Harvard et à Princeton, ainsi qu’à Moscou, Londres et Pékin. J’ai obtenu les mêmes résultats.



Parle-t-on une même langue ?
Cette expérience met en évidence des différences cognitives quand il s’agit de se repérer dans l’espace. Comment une enfant aborigène de cinq ans peut-elle réussir, alors que d’éminents scientifiques d’autres cultures ont des difficultés ? La réponse est surprenante : la langue que parlent les différents protagonistes serait en cause.
Depuis plusieurs siècles, on soupçonne que des langues différentes peuvent transmettre des capacités cognitives distinctes. Dans les années 1930, les linguistes américains Edward Sapir et Benjamin Lee Whorf ont étudié pour la première fois comment variaient les langues et ont émis l’hypothèse que des locuteurs de langues différentes pouvaient penser différemment. Leur idée a d’abord été accueillie avec enthousiasme, mais les linguistes n’avaient aucune preuve pour la confirmer. Dans les années 1970, la plupart des scientifiques ne soutenaient plus cette hypothèse, qui fut presque abandonnée au profit de nouvelles théories soutenant que la langue et la pensée sont universelles.
Il existe aujourd’hui plusieurs preuves expérimentales que les langues façonnent la pensée. Ces résultats renseignent sur la façon dont les connaissances et les capacités cognitives se mettent en place.
Dans le monde, les individus communiquent en utilisant environ 7 000 langues, et chaque langue requiert des caractéristiques différentes de ses locuteurs. Par exemple, supposons que je veuille dire : « J’ai vu Oncle Vania (la pièce de Tchekhov) dans la 42e rue. » En mian, une langue parlée en Papouasie-Nouvelle-Guinée, le verbe employé indique si cet événement s’est produit aujourd’hui, hier ou dans un passé lointain, alors qu’en indonésien, le verbe ne précise même pas si l’événement a eu lieu ou s’il est à venir. En russe, le verbe révèle mon genre (masculin ou féminin). En mandarin (parlé par plus de 70 pour cent des Chinois), je dois préciser si l’oncle en question est paternel ou maternel et s’il est lié par le sang ou par alliance, car des mots différents existent pour tous ces types d’oncles (il s’avère que c’est un frère de la mère, comme la traduction chinoise l’établit). Et en pirahã, une langue parlée en Amazonie, je ne peux pas dire 42e, car il n’existe pas de mots pour les nombres, mais seulement des mots pour exprimer des quantités (« un peu » et « beaucoup »).
Les langues diffèrent de multiples façons, mais le fait que les individus parlent différemment ne signifie pas forcément qu’ils pensent différemment. Des personnes parlant mian, russe, indonésien, mandarin ou pirahã prêtent-elles attention à des faits différents, se souviennent-elles d’événements distincts ou raisonnent-elles différemment selon la langue qu’elles parlent ? Comment le prouver ? Mon équipe ainsi que d’autres groupes de recherche ont montré que la langue façonne certaines caractéristiques fondamentales de l’expérience humaine : les nombres, l’espace, le temps, la mémoire et les relations avec autrui.
Se représenter l’espace et le temps
Retournons à Pormpuraaw. Contrairement au français et à l’anglais, la langue parlée à Pormpuraaw, le kuuk thaayorre, n’a pas de mots pour dire gauche ou droite. Les locuteurs en kuuk thaayorre parlent avec les directions cardinales (Nord, Sud, Est, Ouest, etc.). En français et en anglais, ces termes existent aussi, mais on les utilise seulement pour de grandes échelles spatiales. Par exemple, on ne dirait jamais : « Ils ont placé les couverts à poissons au Sud-Est des couverts à viande. » Mais dans la langue kuuk thaayorre, il n’y a que les directions cardinales quelle que soit l’échelle spatiale : « La tasse est au Sud-Est de l’assiette » ou « Le garçon qui se trouve au Sud de Marie est mon frère. » À Pormpuraaw, on reste toujours orienté, car c’est nécessaire pour parler correctement.
Depuis 20 ans, Stephen Levinson, de l’Institut Max Planck de psycholinguistique à Nijmegen aux Pays-Bas, et John Haviland, de l’Université de Californie à San Diego, ont montré que les individus parlant des langues qui reposent sur les directions cardinales savent bien où ils se trouvent, même dans un lieu ou un bâtiment inconnu. Et ils le font mieux que les personnes ne parlant pas ce type de langues. Les exigences de leur langue renforcent la capacité à s’orienter dans l’espace.
En outre, des individus pensant différemment dans l’espace ont des chances de penser différemment dans le temps. Alice Gaby, de l’Université de Californie à Berkeley, et moi-même avons présenté à des personnes parlant le kuuk thaayorre des photographies qui montraient des progressions temporelles – par exemple un homme vieillissant, un crocodile grandissant ou une banane en train d’être mangée. Puis, après avoir mélangé les photographies, nous leur avons demandé de les ranger sur le sol par ordre chronologique croissant (voir la figure 1).
Nous avons testé chaque personne deux fois, quand elle faisait face à des points cardinaux différents. Des individus parlant anglais (ou français) arrangent les photos de sorte que le temps s’écoule de gauche à droite. Des personnes parlant hébreu disposent les cartes de droite à gauche. En effet, le sens de l’écriture dans une langue influe sur la façon dont on organise le temps. Cependant, les personnes parlant le kuuk thaayorre ne posent pas toujours les cartes de gauche à droite ou inversement. En fait, elles les placent systématiquement d’Est en Ouest. En d’autres termes, quand elles sont assises face au Sud, les cartes vont de gauche à droite ; quand elles font face au Nord, elles disposent les cartes de droite à gauche ; quand elles sont face à l’Est, les cartes vont vers leur corps, etc. Or nous n’avons jamais dit à quiconque face à quelle direction il faisait face : les locuteurs de kuuk thaayorre le savent et utilisent spontanément cette organisation spatiale pour se représenter dans le temps.
Dans le monde, différentes représentations du temps existent. Par exemple, les locuteurs anglais et français considèrent que le futur est devant et le passé derrière. En 2010, Lynden Miles, de l’Université d’Aberdeen en Écosse, et ses collègues ont découvert que les locuteurs anglophones déplacent inconsciemment leur corps vers l’avant lorsqu’ils pensent au futur et vers l’arrière lorsqu’ils pensent au passé. Mais en aymara, une langue parlée dans les Andes, on dit que le passé est devant et le futur derrière. Et le langage du corps des locuteurs aymara correspond à leur façon de parler : en 2006, Raphael Nunez, de l’Université de Californie à San Diego, et Eve Sweetser, de l’Université de Californie à Berkeley, ont montré que les locuteurs aymara font des gestes devant eux quand ils parlent du passé et derrière eux quand ils discutent du futur.
Qui a fait quoi ?
La description des événements, et donc la façon dont on s’en souvient, diffèrent aussi selon les langues. Chaque événement, même un accident qui se joue en un dixième de seconde, est complexe et exige que l’on interprète ce qui s’est passé. Prenons par exemple une affaire qui a été très médiatisée aux États-Unis : l’accident de chasse à la caille de l’ancien vice-président Dick Cheney, qui a blessé son ami Harry Whittington, un avocat texan. On pourrait dire : « Cheney a blessé Whittington » (Cheney est la cause) ou « Whittington a été blessé par Cheney » (on met une certaine distance entre Cheney et le résultat) ou encore « Whittington a été criblé de petits plombs » (ce qui place Cheney en dehors de l’événement).
Dick Cheney a dit : « Finalement, je suis celui qui a appuyé sur la détente qui a tiré la cartouche qui a touché Harry », interposant ainsi plusieurs événements entre lui et le résultat. La déclaration du président George W. Bush – « Il a entendu un envol d’oiseau, il s’est tourné, a appuyé sur la détente, et il a vu son ami blessé » – disculpait davantage Cheney, le faisant passer de cause de l’accident à simple témoin !
Ce type de pirouette linguistique impressionne peu le public américain, car les formes grammaticales indirectes sont évasives en anglais. Les anglophones s’expriment plutôt de façon directe, « quelqu’un a fait quelque chose », préférant des constructions transitives, telles que « John a cassé le vase », même pour des accidents. En revanche, des individus parlant le japonais ou l’espagnol ont tendance à ne pas mentionner l’agent responsable quand ils décrivent un événement accidentel. En espagnol, on dirait « Se rompió el florero », c’est-à-dire « le vase s’est cassé », voire « le vase a cassé ».
Avec mon étudiante Caitlin Fausey, nous avons découvert que ces différences linguistiques influent sur la façon dont les individus interprètent ce qui s’est passé et ont des conséquences sur les souvenirs. En 2010, nous avons demandé à des personnes parlant anglais, espagnol et japonais de regarder des vidéos qui montraient deux individus crevant des ballons, cassant des œufs et renversant des boissons, soit volontairement, soit accidentellement. Puis nous leur avons fait passer un test de mémoire à l’improviste. Pour chaque événement, les participants devaient dire quel individu avait agi. Un autre groupe de locuteurs anglais, espagnols et japonais devaient décrire les mêmes événements au moment où ils les voyaient (voir la figure 2).
En examinant les résultats, nous avons trouvé des différences de mémoire visuelle que les diverses structures linguistiques prédisaient. Les locuteurs des trois langues décrivent les événements volontaires en mentionnant l’agent responsable : « Il a crevé le ballon. » Et ils se souviennent bien de la personne qui a agi. En revanche, pour les événements accidentels, des différences apparaissent. Les locuteurs espagnols et japonais ont tendance à ne pas décrire les accidents de façon causale, à l’inverse des locuteurs anglophones. En conséquence, les Espagnols et les Japonais se souviennent moins bien du responsable de l’acte que les anglophones. Mais ce n’est pas parce qu’ils ont une mauvaise mémoire, car ils se rappellent aussi bien que les anglophones les responsables des événements causés par un agent.
Un apprentissage différent
Non seulement les langues influent sur les souvenirs, mais les structures linguistiques pourraient aussi faciliter ou entraver l’apprentissage de faits ou de concepts nouveaux. Par exemple, dans certaines langues, tel le mandarin, les mots désignant les nombres révèlent la structure en base dix de façon plus explicite que les mots utilisés en anglais – eleven (11) ou thirteen (13) par exemple. Les enfants apprenant le mandarin comprennent donc plus tôt le système en base dix que les anglophones. Et selon le nombre de syllabes que comportent les mots désignant des nombres, il est plus ou moins facile de mémoriser un numéro de téléphone ou de faire du calcul mental. Preuve que la langue influe sur les capacités de calcul.
Qui plus est, selon leur langue maternelle, les enfants prennent conscience de leur genre, masculin ou féminin, à des stades de développement différents. En 1983, Alexander Guiora, de l’Université du Michigan à Ann Arbor, a comparé trois groupes d’enfants dont la langue maternelle était l’hébreu, l’anglais ou le finnois. L’hébreu souligne souvent le genre, car même le mot tu en a un (il diffère selon qu’il se réfère à un individu de sexe masculin ou féminin). Le finnois n’a pas de mot spécifique au genre (les pronoms il et elle n’existent pas) et l’anglais est intermédiaire. En conséquence, les enfants grandissant dans un environnement où l’on parle l’hébreu ont conscience de leur genre environ un an avant les petits Finlandais ; et les anglophones se situent entre les deux.
Voilà donc quelques résultats montrant que les différentes langues influent sur la cognition. Mais ces différences linguistiques créent-elles des différences de pensée, ou est-ce l’inverse ? Les deux sont vrais. Depuis environ dix ans, comme nous venons de le voir, plusieurs expériences ont établi que la langue que l’on parle change la façon de penser. Autres exemples : apprendre à des individus de nouveaux mots désignant des couleurs modifie leur capacité à distinguer les couleurs. Et enseigner à des personnes une nouvelle façon de parler du temps leur confère une nouvelle conception du temps.
Par ailleurs, on peut aborder la question autrement, en travaillant avec des personnes bilingues. On a montré que les bilingues ne conçoivent pas le monde de la même façon selon la langue qu’ils emploient. En 2010, Oludamini Ogunnaike et ses collègues, de l’Université Harvard, et Shai Danziger et ses collègues, de l’Université Ben Gourion du Neguev en Israël, ont montré, indépendamment, qu’un bilingue n’apprécie pas les mêmes personnes selon la langue dans laquelle il est interrogé. Les chercheurs ont étudié les réactions de bilingues arabe-français au Maroc, de bilingues espagnol-anglais aux États-Unis et de bilingues arabe-hébreu en Israël. Ils ont testé les préjugés implicites des participants.
Qui de la langue ou de la pensée est arrivée en premier ?
Par exemple, ils ont demandé aux bilingues arabe-hébreu d’appuyer rapidement sur un bouton en réaction à des mots, sous diverses conditions. Dans un cas, si les sujets voyaient un nom juif comme Yaïr ou un trait de caractère positif tel bon ou fort, ils devaient appuyer sur la touche m ; s’ils voyaient un nom arabe comme Ahmed ou un trait de caractère négatif comme moyen ou faible, ils appuyaient sur la touche x. Dans un autre cas, cette association était inversée : les noms juifs et les traits de caractères négatifs partageaient la même touche x, et les noms arabes et les traits de caractères positifs correspondaient à la touche m.
Les chercheurs ont mesuré la rapidité de réaction des participants dans chaque situation. En psychologie cognitive, on utilise cette tâche pour évaluer les préjugés involontaires ou automatiques, par exemple les traits de caractères positifs et les groupes ethniques souvent associés dans l’esprit des gens. Ainsi, les scientifiques ont montré que les préjugés dépendent de la langue dans laquelle ils interrogent les sujets. Par exemple, les bilingues arabe-hébreu ont des attitudes implicites plus positives envers les juifs quand ils sont testés en hébreu que lorsqu’ils sont interrogés en arabe.
En conséquence, la langue participe à différents aspects de la cognition. Le comportement des individus dépend de la langue qu’ils parlent, même quand ils réalisent une tâche simple, par exemple distinguer des couleurs, compter des points sur un écran ou s’orienter dans une pièce. En outre, nous avons montré que limiter la capacité d’un individu à accéder à ses facultés linguistiques – par exemple en lui donnant une tâche verbale contraignante à réaliser en même temps, tel dicter un article de journal – diminue ses capacités à accomplir ces tâches simples. En fait, la pensée serait un ensemble de mécanismes linguistiques et non linguistiques. Les domaines de la cognition humaine où la langue ne joue aucun rôle doivent sans doute être rares.
Une caractéristique importance de l’intelligence humaine est son « adaptabilité », c’est-à-dire sa capacité à inventer et à réarranger des concepts selon l’environnement. La grande diversité des langues dans le monde est une conséquence de cette adaptabilité. Chaque langue apporte sa « trousse à outils » cognitive et renferme la connaissance et la vision du monde développées au cours de plusieurs milliers d’années dans une culture. Elle contient une façon de percevoir le monde, de l’appréhender et de lui donner une signification, et représente un guide que les ancêtres ont développé et perfectionné. Les recherches sur la façon dont les langues parlées modèlent la pensée permettent aux scientifiques de découvrir comment l’homme crée la connaissance et construit la réalité. ■


2019-10-18

Qu’est-ce que l’esprit critique ?





source




L’esprit critique serait donc le moteur de la pensée même. Mais comment le définir ? Par quoi le caractériser ? Et surtout, comment l’enseigner, le faire vivre, voire le critiquer en vertu de lui-même ?
Invité : Gérald Bronner, professeur de sociologie à l’université Paris-Diderot, auteur de « Déchéance de rationalité ».28/09/2019


Penser, n’est-ce pas être capable de dire à sa propre pensée, dans une sorte d’étonnement, sinon qu’elle se trompe, du moins qu’elle mérite d’être reprise, modifiée, réadaptée en certains points trop bien fixés ? C’est en tout cas ce qu’expliquait le philosophe Alain : 
Penser, c'est dire non. Le signe du oui est d'un homme qui s'endort ; au contraire, le réveil secoue la tête et dit « non ». Non à quoi ? Au monde, au tyran, au prêcheur ? Ce n'est que l'apparence. En tous ces cas-là, c'est à elle-même que la pensée dit non. Elle rompt l'heureux acquiescement. Elle se sépare d'elle-même. Elle combat contre elle-même. Il n'y a pas au monde d'autre combat. Ce qui fait que le monde me trompe par ses perspectives, ses brouillards, ses chocs détournés, c'est que je consens, c'est que je ne cherche pas autre chose. Et ce qui fait que le tyran est maître de moi, c'est que je respecte au lieu d'examiner. Même une doctrine vraie, elle tombe au faux par cette somnolence. C'est par croire que les hommes sont esclaves. Réfléchir, c'est nier ce que l'on croit. Qui croit ne sait même plus ce qu'il croit. Qui se contente de sa pensée ne pense plus rien[1].
[1]Alain, Propos sur les pouvoirs,
« L'homme devant l'apparence », 19 janvier 1924, n° 139
ou Propos sur la religion, LXI.  


Parution : 
20/03/2019


EAN : 
9782246812807
20.00 €

14.99 €

2019-10-17

Pourquoi la démocratie ne nous protège plus ?






la juriste Monique Chemillier-Gendreau, juriste, professeure émérite de droit public et de science politique à l’université Paris-Diderot, spécialiste de droit international et de la théorie de l’Etat. Elle vient de publier Régression de la démocratie et déchaînement de la violence, 

ISBN : 978-2-84597-746-4
11,3 x 21 cm, 128 pages, 17 €







Extraits sonores
 A contre-courant d'une partie des acteurs des débats d'idées en France, Monique Chemiller-Gendreau est hostile à l'idée d'un consensus voué à unir les nationaux au sein d'une seule et même identité. 
L’achèvement de la démocratie, c’est d’accepter le pluralisme, or, dans nos démocraties inachevées, on cherche à développer l’entre-soi.  
(Monique Chemiller-Gendreau)
Elle déplore un appauvrissement de la pensée et du débat politique et perçoit le G7, et, plus généralement, chaque événement similaire, comme autant de coups de communication orchestrés par une aristocratie des nations qui échoue à les représenter.
Le système représentatif ne réalise pas la démocratie, il est à côté de la démocratie. En France, il y a un décalage extrême entre la représentation et la population.  
(Monique Chemiller-Gendreau)
Au-delà d'une fervente critique des Etats-nations, Monique Chemiller-Gendreau pose les jalons d'un nouvel ordre mondial. Le multipartisme ne serait plus garant de cette diversité des opinions mais, à l'inverse, l'incarnation d'une confiscation du pouvoir permise par la verticalité du pouvoir. Elle prône davantage une organisation de communautés politiques à  laquelle on aurait ôté la notion de souveraineté et qui serait fondée sur la compétence.
Le G7 n’a aucune légitimité, mais l’ONU souffre également d’un déficit démocratique, c’est une aristocratie. Ses membres permanents ne sont légitimes que parce qu’ils ont gagné la Seconde Guerre mondiale.  
(Monique Chemiller-Gendreau)