2018-12-16

Le mouvement des "gilets jaunes" est-il une ubérisation de la contestation ?

Le mouvement des "gilets jaunes" est-il une ubérisation de la contestation ?:





Avec Fabrice Epelboin, enseignant à Sciences Po Paris et spécialiste des réseaux sociaux.
Dans l'expression des revendications des "gilets jaunes", les réseaux sociaux, et notamment Facebook, jouent le rôle de plateforme d’échange et de lieu de diffusion de la contestation, où la colère devient virale.
Nous recevons Fabrice Epelboin, enseignant à Sciences Po, où il anime l’Atelier numérique, spécialiste des réseaux sociaux et contributeur régulier à Reflets.info, un blog spécialisé.
Le mouvement des Gilets jaunes est-il une ubérisation de la contestation ? Nous parlons politique et numérique, mobilisation sur Facebook et influence des réseaux sociaux sur le débat public et la démocratie.




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L’oisiveté sauvera-t-elle le monde ?

L’oisiveté sauvera-t-elle le monde ?:









Quelle alternative à la vie laborieuse ? Tom Hodgkinson déroule une éthique de la paresse dans "L'art d'être oisif dans un monde de dingue" (Les Liens qui Libèrent, 2018).



"Avec l’essayiste britannique Tom Hodgkison, fondateur de la revue The Idler, « le paresseux », auteur de L’art d’être oisif dans un monde de dingue, best seller sorti en 2005 et enfin traduit en France en 2018, aux éditions Les Liens qui Libèrent, où il érige en principes tout ce que la société et la morale bannissent : sieste, grasse matinée, école buissonière, contemplation, mais aussi tabac et gueule de bois. 

Ce n’est pas impossible, de vivre une vie accomplie qui ne soit pas uniquement une vie de travail.  
(Tom Hodgkinson) 

 Manifeste pour un retour au bien vivre, hors des contrôles horlogers et des mythes qui, depuis la révolution industrielle, relient le travail et une vie d'effort à la morale conventionnelle. Eloge de la paresse, déjà traité par nombre d'auteurs, de Robert Louis Stevenson à Jerome K. Jerome, un appel à l'acceptation des simples plaisirs de la vie. 

Car sans excès, la consommation de tabac ou le premier verre de la journée pourraient, selon Tom Hodgkinson, être consommés dans une perspective créatrice et contemplative, et le travail créateur. Car ne rien faire, prendre son temps, c'est parfois faire plus efficacement.

Le problème avec les politiques, c’est qu’ils sont guidés par les principes utilitaires. Ils ne sont pas romantiques.  
(Tom Hodgkinson)

Aux Royaume Uni, L’Art d’être oisif sera suivi de L’Art d’être libre dans un monde absurde (Les Liens qui Libèrent, 2017), nouvel appel à la résistance dans un monde de la consommation, de l'ennui et de l’accélération."

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2018-11-06

L'impasse collaborative


Eloi Laurent


L'impasse collaborative. Pour une véritable économie de la coopération


EDITIONS Les liens qui libèrent, 2018



Notre époque est marquée par un paradoxe : nous vivons simultanément le règne de la collaboration et le recul, peut-être même le déclin, de la coopération. Le problème est général et profond : la coopération est aujourd’hui dévorée par la collaboration. 
des sociétés collaboratives d’où l’esprit de coopération disparaît sont des sociétés frénétiques mais dévitalisées, nerveuses mais instables, et finalement conservatrices, car incapables d’innovation et d’adaptation. 
Ce livre dévoile trois visages de la crise de la coopération que nous traversons : l’épidémie de solitude, qui, plus que la montée tant décriée de l’individualisme, isole les personnes et les empêche de faire société ; l’avènement des nouveaux passagers clandestins – multinationales, 1 % les plus fortunés… –, qui, à force de contourner, ridiculiser et saboter règles fiscales et droit social, finissent par décourager la coopération ; enfin, la guerre contre le temps, induite par une transition numérique hypertrophiée et une transition écologique négligée, rendant incertain l’avenir de la coopération sous la pression conjuguée d’une accélération du présent et d’un obscurcissement du futur.
C’est pourquoi il nous faut reconquérir les imaginaires et reconstruire les institutions de la coopération. En dépassant les « mythologies économiques » pour sortir de la croissance et retrouver la bienveillance de l’économie civile et la profondeur de l’économie écologique ; en endiguant la concurrence fiscale et sociale – d’abord en Europe – afin de restaurer la puissance coopérative des systèmes sociaux et fiscaux ; enfin en décélérant la transition numérique pour accélérer la transition écologique.

2018-10-25

Le Petit livre des couleurs, Michel Pastoureau | Editions Seuil

Le Petit livre des couleurs, Michel Pastoureau, 




144 pages
EAN 9782757841532







Ce n’est pas un hasard si nous voyons rouge, rions jaune, devenons verts de peur, bleus de colère ou blancs comme un linge. Les couleurs ne sont pas anodines.



Elles véhiculent des tabous, des préjugés auxquels nous obéissons sans le savoir, elles possèdent des sens cachés qui influencent notre environnement, nos comportements, notre langage, notre imaginaire. Les couleurs ont une histoire mouvementée qui raconte l’évolution des mentalités. 

L’art, la peinture, la décoration, l’architecture, la publicité, nos produits de consommation, nos vêtements, nos voitures, tout est régi par ce code non écrit. Apprenez à penser en couleurs et vous verrez la réalité autrement !


Michel Pastoureau"


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2018-10-01

Catégorisation, stéréotypes et préjugès

source Catégorisation, stéréotypes et préjugès:



"Pour mieux connaître le monde et les choses, on passe par une activité de Catégorisation et de comparaison.

La catégorisation est donc un processus automatique de base bien connu des chercheurs.

Dans le contexte humain, la catégorisation tend à légitimer les catégories en leur conférant plus qu’une existence, une essence.
On catégorise les gens et les objets en fonction de l’idée qu’ils possèderaient la même nature.
C’est le processus de catégorisation qui préside aux Stéréotypes."



Cependant, la catégorisation est un processus majeur de la construction de l'Identité sociale.
"Les stéréotypes sont des croyances partagées concernant les caractéristiques personnelles d'un groupe de personnes" LEYENS
Ce qui définit le stéréotype, c’est sa dimension consensuelle.
Pour mesurer les stéréotypes de façon concrète, on va soumettre au sujet une liste de traits concernant un groupe et le stéréotype sera défini à partir des items (propositions) les plus massivement choisis.
On peut alors calculer le « score de stéréotypie » pour chaque personne.

Les études sur les stéréotypes montrent qu’ils auraient une activation quasi automatique.
Il s’agit, en effet, de croyances apprises très tôt puisque certaines études tendent à montrer que vers 6,8 ans, l’essentiel est acquis.
Ces stéréotypes apparaissent comme des tendances spontanées à sur inclure et sur généraliser.

La formation du stéréotype correspondrait à une logique essentialiste. Cela consiste à expliquer ce que les gens font (conduites, comportements) par ce qu’ils sont (essence, nature).
Aussi, une logique essentialiste est-elle souvent apparentée à une logique raciste.

Le préjugé est, quand à lui, une attitude défavorable envers une ou plusieurs personnes en raison de leur appartenance à un groupe particulier.
On l’a souvent décrit comme manifestant une forte charge affective et de l’hostilité.

Si le stéréotype est plutôt descriptif et collectif, le préjugé serait plus individuel et normatif.

Les stéréotypes sont sensibles à l’évolution des rapports entre les groupes (notamment conflictuel ou de domination). C’est particulièrement visible concernant les groupes qui ont été en conflits avec les américains:
L'allemand est travailleur en 1932, pour ne plus l'être en 1955 et le redevenir en 1967
Le japonais est beaucoup plus rusé avant la guerre qu'après
Les noirs sont de moins en moins paresseux et superstitieux et de plus en plus sportifs et musicaux
On observe que dans toutes les sociétés, il existe des groupes de personnes qui sont affublés d'un stéréotype d'infériorité.

Les stéréotypes apparaissent alors comme une définition du groupe, l'essence même du groupe. Cela nous apparaît bien souvent comme une réalité et non comme une croyance. Et cela, d'autant plus que la réalité semble bien confirmer la validité du stéréotype.

Pour exemple, on trouve peu de femme dans les filières scientifiques.

Ce constat peut être interprété de différentes façons. (thèse biologiste ou thèse culturelle)

Cependant certains chercheurs comme Leyens ont fait l'hypothèse suivante:

Le stéréotype, la réputation dont les groupes font l'objet, aurait un effet direct sur les performances du groupe et notamment quand il est rendu saillant, activé.

On appelle ce récent courant de recherche "la Menace du stéréotype".

La menace du stéréotype est contextuelle, situationnelle. Cela ne correspond pas forcément à une intériorisation du stéréotype en terme d'image de soi dévaluée. La personne doit avoir conscience de la réalité du stéréotype, par contre elle n'y adhère pas nécessairement.

La menace induirait un script d'échec dans une situation donnée.

Les Sujets du groupe stigmatisé auraient peur de confirmer le stéréotype. Cela augmenterait leur anxiété face à la pression évaluative de la situation. Ainsi, cela pourrait provoquer des pensées interférentes qui gêneraient le sujet dans ces activités. Cela pourrait également entraîner de la sur prudence (aller plus lentement, faire plus attention...)

Les expériences montrent parfois que le simple fait d'évoquer le groupe (femmes, chomeurs...) sur la première page du protocole va activer une menace du stéréotype. Et les sujets vont être amenés à se conformer au stéréotype.

La catégorisation peut donc donner lieu à de la Discrimination. Pour exemple, le fait de dire "les RMIstes", "les racailles", "les handicapés" est potentiellement dangereux puisqu' il se pourrait bien qu'ils confirment les attentes.

Les psychologues sociaux préfèrent les termes de "personnes en situation de précarité", "de jeunes de milieux défavorisés qui adoptent des comportements violents", "de personnes en situation de handicap".

Le fait de dire cela n'est pas pour jouer sur les mots, mais bien pour dénoncer des formulations qui naturalisent les problèmes sociaux.


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2018-07-25

Spinoza Dieu est nature

Spinoza et la Qabalah:



Immanence et transcendance

Pour Spinoza, Dieu est immanent et non transcendant. Il est dans toute la nature, dans ce qui est créé, il est éternel et infini comme le monde créé. De tout temps il y a eu l'univers et il y aura toujours l'univers, et cet univers contient le divin: il n'y a donc ni début ni fin.
"L'essence de Dieu est dans la puissance": comme Dieu est Nature, cette expression signifie que l'essence de la Nature ou "substance" se manifeste par son pouvoir illimité, dans l'espace et dans le temps, le pouvoir de créer, de transformer et d'évoluer. Toute chose est la substance, sous l'aspect singulier et concret qui est le sien. Contrairement à la pensée de la Qabalah, il n'y a pas de place pour un dieu personnel et secret.
Le dieu de Spinoza est un peu grec; il est lié à la nature et on ne se pose plus les questions de la création: quand? comment? La réponse est que Dieu est révélé et contenu dans tout ce qui est créé. Quant à pourquoi la création, Spinoza rejoint néanmoins sur ce point précis certains qabalistes: Dieu crée le monde par amour pour lui-même, pour se contempler, étant lui-même ce monde.

L'immanence dans la tradition de la Qabalah est la Divine Présence ou Shékhinah, dont l'attribut est la dixième et dernière séphirah de l'Arbre de Vie, en contact avec l'univers créé. Cette présence au féminin ne se confond pas totalement avec la Nature et ne se limite pas aux lois qui régissent le monde. Elle remplit l'univers créé de la lumière du divin et de son nom, et elle est perçue par ceux qui la cherchent, à travers le monde intermédiaire des anges et des âmes, celui qui se confond avec le monde des lettres hébraïques. La présence de la Shékhinah est plus ou moins forte en fonction du comportement moral du peuple d'Israël. Cette présence est consécutive à la fracture originelle et elle est provisoire: lorsque la "téshouvah" ou "retour/rédemption" aura gagner le coeur de l'humanité, la Shékhinah rejoindra son giron pour retrouver l'unité originelle, dans la transcendance.

Pour Spinoza, la question de la transcendance ne se pose même pas. On ne peut croire que ce que l'on voit et toute croyance en un dieu caché n'est que superstition de l'ignorant ou moyen pour asservir le peuple. Spinoza n'est ni croyant ni religieux, son univers est rationnel et scientifique, objectif et matériel. Dieu n'existe que dans sa connaissance, c'est-à-dire la connais-sance continue et approfondie de l'univers, et celle de soi-même, infime partie de cet univers.
Le "connaître Dieu" rapproche Spinoza des qabalistes, mais uniquement sur ce point. Car toute la dimension d'une recherche de la transcendance par la voie de la rédemption n'existe pas chez lui, puisqu'elle n'est que subjectivité. Ainsi la prière ou la méditation ne seraient que des subterfuges liés à la pauvreté de la pensée ou à la peur de la mort: celle-ci est une fin et non un début. Il n'y a donc pas de monde "à venir" ou de monde intermédiaire, et il faut vivre sa vie pleinement et joyeusement car il n'y a pas d'autre vie, la mort étant la fin du parcours naturel de l'homme. Seule sa pensée lui survit, et c'est dans la pensée que l'homme est éternel puisque la pensée ou l'esprit est l'âme. En perfectionnant cette pensée à l'extrême par la voie de la raison, on contribue à la communion avec Dieu et on atteint la "béatitude" terrestre.

La raison et les sentiments
Pour poursuivre la comparaison avec la tradition de la Qabalah, celle-ci enseigne aussi qu'il faut jouir pleinement et le plus joyeusement possible de la vie matérielle car la vie future est d'un autre ordre, d'une autre forme. Par contre la Qabalah ne ferme pas la voie et plutôt encourage le retour vers un monde intangible et non perceptible aux sens du commun des mortels. Par contre, dans cette recherche du divin, la Tradition n'encourage pas la communion avec Dieu. Bien au contraire, une distance doit être établie entre l'homme et le divin, résultant d'un équilibre entre l'amour et la crainte de ce divin, contrairement à la pensée de Spinoza qui engage l'homme à adhérer totalement à la nature-Dieu.

Le monde de l'imaginaire et du rêve est étranger à Spinoza, car il est antinomique au monde de la raison. Celui-ci estime, de plus, que les institutions politiques pourraient s'en emparer et l'exploiter pour mieux asseoir leur autorité, quand ce n'est pas pour asservir les plus crédules.
L'univers de Spinoza est mathématique, mais limité aux connaissances acquises et prouvées; il n'y a aucune extrapolation hasardeuse vers un au-delà; il n'y a pas de hasard! On a appelé Spinoza, l'athée de "système".
L'homme est déterminé; s'il croit être libre, c'est qu'il ne sait pas, parce qu'il est ignorant. L'homme obtient sa liberté à travers le perfectionnement de sa connaissance de Dieu: cette connaissance est amour, mais cet amour est purement intellectuel.
Quant aux sentiments, ils découlent tous de la triade "désir, joie et tristesse". Le désir est l'essence de l'homme qui le pousse à se réaliser en acte et à être lui-même. Quand la puissance d'agir de son corps et de son esprit augmente, il est joyeux; inversement quand cette puissance diminue, il est triste.

L'homme, comme la nature, agit par nécessité, sans fin; par ignorance, l'homme a l'illusion d'une fin. Le "bien" est ce qui est prouvé utile par la raison et hors de toute passion, le "mal" est ce qui nous empêche d'accéder à ce "bien". L'homme joyeux met en oeuvre toutes ses facultés rationnelles et toutes les forces de son esprit et de son corps pour atteindre et communier avec Dieu-Nature et il écarte de son chemin toutes les embûches intérieures et extérieures qui caractérisent le mal et qui l'empêchent d'atteindre son objectif. L'homme triste est privé de Dieu parce qu'il pense "mal" et ne mobilise pas son potentiel utile dans cette recherche de la connaissance intellectuelle du divin.
Ainsi on peut trouver le bonheur en recherchant ce qui est utile, sous la conduite de la raison, en accroissant la puissance de l'esprit. Prendre conscience de l'union intime de notre esprit à Dieu, qui est la Pensée par excellence, c'est se connaître soi-même comme pensée de Dieu et participer à sa nature. Comprendre Dieu est le salut: comprendre ses attributs, ses actions, ses oeuvres, comprendre les choses singulières, non plus par des lois abstraites, mais par la vision des choses elles-mêmes.
Selon la Tradition, comprendre Dieu ou l'autre, c'est les aimer non seulement par l'esprit mais aussi par le coeur, même si on s'engouffre alors dans les errements de la raison et qu'on offense la pensée de Spinoza. Rappelons ici que dans la biographie de Spinoza, il n'y a pas de femmes, pas d'amies, ni de maîtresses, ni de conjointes: il n'y a que les trois femmes du père, dont la mère de Baroukh. Et il n'y a pas d'enfants...
Au delà des notions de divin et de bonheur, il existe une différence majeure entre la pensée de Spinoza et celle de la Tradition de la Qabalah: le sens du temps.

Le sens du temps
Chez Spinoza le temps est celui de la Nature, éternel; il n'intervient pas dans la recherche de Dieu. Le temps comme la mort n'ont qu'une réalité subjective, apparente: la pensée "vraie" les dénonce en les démystifiant. Le monde "vrai" est sans origine et sans fin. La "vérité" est éternelle et le sens absolu est dans la pensée de Dieu. L'individu meurt, sa pensée vit: elle participe à la pensée du tout, de Dieu. "Soi" est en Dieu, à travers la conscience universelle du monde. La vertu c'est de comprendre et, comprendre, c'est vivre dans l'éternité.

Dans la tradition de la Qabalah, le temps est le facteur principal, au point que tout est mis en oeuvre pour le créer et, par cette création, on se rapproche du divin. La mort comme la naissance ne sont que des fractures qu'on répare dans le parcours de la vie, grâce au temps qu'on crée.



La religion
Pour répondre aux besoins psychiques d'irrationnel de la "multitude" faible et ignorante, toute religion historique se fonde sur le culte, la prière et sur la révélation. Autoaliénée de ce fait, et subissant la flatterie et la démagogie des dirigeants religieux, cette multitude est prête à se soumettre jusqu'au sacrifice. Elitiste mais généreux, Spinoza propose alors un programme pour faire parvenir progressivement le peuple à une "semi-rationalité".
Dans une première étape, il faut bannir les religions historiques et les remplacer par la "RPU", la religion populaire et universelle, religion de la raison mais dépouillée de la complexité de la doctrine: le peuple n'a pas besoin de comprendre l'intégralité des processus logiques qui mènent à la vérité de la raison universelle. Il suffit qu'il obéisse à ce qui lui est présenté comme raisonnable par un Etat laïque et éclairé. Il pourra alors atteindre cette "semi-rationalité", sous la double autorité de la raison et de la...Bible révélée, à condition que le message biblique soit réinterprété et que son contenu soit objectivé comme une science. En effet, il est trop tôt ou imprudent de dépouiller le peuple d'une "drogue" encore nécessaire; mais Spinoza choisit la Bible juive, plus facile à rationaliser.
Dans une deuxième étape, pour émanciper le peuple, l'Etat doit procéder à sa formation; il doit définir et inculquer les normes de cette "semi rationalité": l'école laïque se substitue à l'école des prêtres et des rabbins. Dans l'attente et l'espoir d'un état général de "la rationalité universelle", qui le rendrait alors inutile, l'Etat seul est détenteur de la vérité normée, à laquelle le peuple doit obéir pour parvenir à la raison, par la répétition et l'habitude.
Pour diffuser ce programme, les intermédiaires les mieux placés sont constitués de l'élite conquise à la doctrine de la raison: ils doivent utiliser un langage du type mathématique et mettre en oeuvre une pensée à base de déductions logiques; leur attitude doit néanmoins être prudente et ils doivent dissimuler habilement leurs objectifs. Ils doivent parvenir à leurs fins par la persuasion tout en utilisant la méthode polémique, en faisant ressortir par exemple les contradictions objectives et flagrantes de la Bible, pour en saper les bases.
Echafaudé il y a plus de trois siècles et demi, ce programme utopique mais habile peut encore plaire, les idées de Spinoza revenant à la mode dans cette fin de millénaire, où l'élite laïque ou athée est en plein désarroi devant un vide d'idées et d'idéaux. Mais ce programme comporte les dangers d'un despotisme de la raison, d'un comportement "politiquement correct", d'un conformisme, voire d'un fascisme scientifique.

Messianisme et retour
Pourtant, comme celle de la Qabalah, la pensée de Spinoza est teintée d'un certain messianisme. Mais contrairement au messianisme qabalistique ou h'assidique qui laisse à chacun, du plus humble et du plus ignorant au plus intelligent et au plus lettré, la possibilité de choisir la voie personnelle du Retour ou de la rédemption, d'y cheminer avec ses propres moyens et de contribuer à la connaissance universelle du divin, Spinoza propose le salut à l'élite des "happy few" capables d'atteindre la connaissance du "troisième type". Rappelons que la connaissance du premier type est celle de la superstition du plus grand nombre. Celle du deuxième type est la raison. Le troisième type de connaissance est l'"essence formelle de certains attributs divins menant à la connaissance de l'essence des choses", soit en termes clairs, l'intuition géniale fondée sur une longue recherche rationnelle et un travail approfondi préalables: c'est la méthode de la découverte scientifique. En découvrant les lois immuables de la Nature, on découvre Dieu.
La Qabalah propose également des voies de recherche basées sur la concentration et sur la contemplation qui doivent conduire à une intuition prophétique. Mais contrairement à Spinoza, elle n'a pas écarté d'emblée la part d'irrationnel dans l'homme, qu'elle considère tel qu'il est, englué ou non dans le monde matériel, et elle lui propose diverses voies de transcendance du divin.

Génial et précoce, Spinoza lisait le Talmud dans le texte à treize ans. On peut émettre l'hypothèse qu'il s'est intéressé aussi à la Qabalah, si florissante en Europe depuis le Moyen Age, ne serait ce que par simple curiosité. Mais cela ne peut être qu'une simple hypothèse car on ne lui connaît aucun maître qabaliste. Peut-être a-t-il été initié dans le secret de ses lectures? Toujours est-il que nous avons la conviction que pour échafauder sa doctrine éthique, eschatologique et politique, Spinoza a subi aussi bien l'influence du cartésianisme et du rationalisme naissants que celle de l'ésotérisme juif, si propice à un marrane ou à un ex-marrane.
Comme la Qabalah, Spinoza dérange: la raison et la logique poussées à l'extrême dans un système philosophique d'une grande cohérence ont aussi bien effrayé les religions établies qu'inspiré, fasciné ou interpellé tous les philosophes depuis cette époque: Spinoza a été plus haï qu'aimé. Il a été exclus par sa communauté, il a été considéré comme hérétique et dangereux par les catholiques et par les protestants, il a été dénigré par les philosophes. Il a échappé à un attentat. Spinoza dérange, non seulement parce qu'il propose une discipline dans la pensée, mais comme la Qabalah, il propose un cheminement non conventionnel vers la Vérité, une possibilité de se dépasser.

Devant les excès dogmatiques des religions établies et organisées et leurs conséquences connues de rejets, d'expulsions, de massacres et autres autodafés, s'appuyant sur des prémices prometteuses de délivrance de l'homme et de son angoisse par la raison, Spinoza a mis les voiles et chargé la barque d'un seul côté, croyant détenir la seule Vérité: il a négligé la Voie du Milieu qu'il a certainement entrevu dans ses probables lectures du Zohar ou lors de son polissage patient et précis des lentilles optiques. Mais la tuberculose et la mort précoce ont eu raison de sa maturité et il a sans doute laissé la tâche de redresser la barre de ses doctrines, aux générations futures (*).

Immanence et transcendance ne sont-elles pas les deux mamelles d'une même raison universelle?

(*) Spinoza a vécu 43 ans, au milieu du 17 ème siècle, presqu' en même temps que Shabetay Zvi, le faux Messie, et il a dû être sensibilisé par cette farce métaphysique. Il est né à l'aube de l'ère scientifique et on commençait alors à découvrir le nouveau monde et le sens de la raison. Il lui fallait bannir toute irrationalité et toute imagination, représentées alors par la religion et la superstition. C'est seulement depuis moins d'un demi siècle que l'on sait que le cerveau de l'homme a une zone qui commande l'irrationnel, qui est alors une nécessité physique qu'on ne peut occulter sans dommage. De même les dernières doctrines sur la constitution de l'univers laissent une place considérable aux phénomènes incontrôlables.

Albert SOUED - septembre 1994


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2018-07-07

Le problème Spinoza - Irvin D. Yalom - Babelio




ISBN : 2253236799 

Éditeur : LE LIVRE DE POCHE (02/05/2018)



Note moyenne : 4.2/5 (sur 484 notes)


Résumé :
Le 10 mai 1940, les troupes nazies d’Hitler envahissent les Pays-Bas. Dès février 1941, à la tête du corps expéditionnaire chargé du pillage, le Reichsleiter Rosenberg se rue à Amsterdam et confisque la bibliothèque de Spinoza conservée dans la maison de Rijnsburg. 


Quelle fascination Spinoza peut-il exercer, trois siècles plus tard, sur l’idéologue nazi Rosenberg ? L’œuvre du philosophe juif met-elle en péril ses convictions antisémites ? Qui était donc cet homme excommunié en 1656 par la communauté juive d’Amsterdam et banni de sa propre famille ? 



Le Dr Yalom aurait-il pu psychanalyser Spinoza ? ou Rosenberg ? Le cours de l’histoire en aurait-il été changé ? Dans la lignée de son bestseller Et Nietzsche a pleuré, ce nouveau roman d’Irvin Yalom, à la fois incisif et palpitant, nous tient en haleine face à ce qui fut de tout temps Le Problème Spinoza.






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2018-06-29

Mésopotamie | Belin Editeur

Mésopotamie | Belin Editeur:



DE GILGAMESH À ARTABAN (3000 AV.–120 AV. J.-C.)

Auteurs :Francis Joannès, Bertrand LAFONT, Philippe CLANCIER, Aline TENU

Editeur :Belin

COLLECTION :Mondes anciens





La Mésopotamie au coeur de notre histoire
Entre désert aride et riches vallées fluviales, se sont développés des civilisations brillantes et ouvertes. Au tout début du IIIemillénaire avant notre ère, les Sumériens y ont inventé l'écriture cunéiforme, l'agriculture céréalière irriguée, la civilisation urbaine autour de vastes palais ainsi que les premières formes de l'État. Par la suite, alors que les caravanes des marchands allant de l'Anatolie jusqu'à la vallée de l'Indus dessinent les routes commerciales et transportent métaux et produits précieux, les rois font mettre par écrit la législation, établir les règles de la comptabilité publique et de la diplomatie... Au tournant du Ier millénaire, la Mésopotamie est le centre de gravité de grands empires : assyrien, babylonien, puis perse achéménide. Leurs capitales ont laissé des vestiges impressionnants et l'activité de leurs scribes nous a transmis l'essentiel de leur tradition écrite, associant les Annales royales assyriennes, l'Épopée de Gilgamesh ou l'astrologie mésopotamienne…

Depuis la redécouverte, au milieu du XIXe siècle, des restes architecturaux de cette civilisation et le déchiffrement de milliers de textes cunéiformes, les historiens ont pu reconstituer l'essentiel des événements qui ont scandé 3 000 ans de l'histoire du Proche-Orient mésopotamien. Cet ouvrage a pour ambition de présenter, sur la longue durée, une vision des lieux et des acteurs de cette histoire, de mettre en évidence l'inventivité de leurs réalisations et l'importance de l'héritage matériel et culturel qu'ils nous ont laissé.


  • 1040 Pages
  •  
  • ISBN : 978-2-7011-6490-8
  •  
auteurs


Bertrand LAFONT, directeur de recherche au CNRS, est assyriologue et sumérologue, spécialiste des périodes de la haute histoire du Proche-Orient ancien (IIIe et IIe millénaires av. notre ère). De 2003 à 2008, il a occupé à Damas et Beyrouth les fonctions de directeur scientifique du département d’archéologie et d’histoire ancienne de l’Institut français du Proche-Orient.
Aline TENU est chargée de recherche en histoire et archéologie de l'Orient cunéiforme.
Francis JOANNES, Professeur d'Histoire ancienne à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, auteur notamment de La Mésopotamie au premier millénaire av. J.-C., (2000) ; Les premières civilisations du Proche-Orient (3000-1500) (Belin 2006) ; (dir.) Dictionnaire de la Civilisation Mésopotamienne (2001).
Philippe CLANCIER est maître de conférences à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
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