2024-10-06

la pollution de l’information

 
visual by blackbox.ai/

« fake news » [1] – j’entends par là des informations délibérément trompeuses, répandues par plaisir, par intérêt, et en vue d’en tirer un bénéfice politique. 

Il n’a échappé à personne que, grâce à l’invasion d’internet, nous vivons un âge d’or des pollueurs d’information. Tout autant fontaine du savoir que de la foutaise (bullshit), l’internet est devenu la source la plus utile de faits et la source la plus insidieuse de faussetés que l’humanité ait jamais produite. 

Pourtant, la pollution de l’information n’est pas un phénomène nouveau. Elle a toujours existé, et continuera à être l’arme principale des propagandistes ; c’est par l’usage, et le mésusage, de l’information, que ceux qui désirent manipuler les cœurs et les esprits ont toujours agi.

 Leur objectif est toujours invariablement le même : susciter les passions des citoyens ordinaires et instiller une attitude dogmatique et intolérante. Car c’est en instillant cette attitude qu’on rend les individus capables de perpétrer les actes les plus inhumains envers leurs pareils. C’est ce qu’on observe dans les régimes totalitaires comme dans les démocraties libérales – où la propagande sera nécessairement différente, mais non moins effective.

Pourtant le terme « pollution de l’information » peut être trompeur. La métaphore suppose, qu’à l’instar de la nature, la culture de l’information existerait d’elle-même et serait, dans son état premier, pure. Mais ce sont nous autres humains qui fabriquons et véhiculons l’information et c’est nous qui construisons la culture de l’information. L’internet ne nous est pas tout bonnement tombé dessus. C’est un monde que nous avons créé, et dont nous sommes, dans une large mesure, responsables. 

Comme le sait tout bon propagandiste, on ne peut atteindre les cœurs et les esprits des gens sans faire appel à ce qu’il y a au plus profond d’eux-mêmes. Tel est le procédé des fake news. Nous avons conçu un monde digital qui reflète notre tendance à nous soucier moins de la vérité que nous le professons, quand bien même cela nous encourage à être plus arrogants au sujet de nos convictions tribales.

Extrait Source : 

Politique, vérité et démocratie 
Publication Diogène 2018/1 n° 261-262
Presses Universitaires de France
184 pages 

Pascal Engel traduction 
Voir livre 

Eliott éditions

Disponible
Prix : 28,00 €