2024-10-06

La responsabilité intellectuelle Julien Benda

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Julien Benda dénonça dès 1927, dans son ouvrage le plus célèbre, « La Trahison des clercs », la capitulation des intellectuels français, traîtres à leur mission de défenseurs du rationalisme démocratique.

emission France Culture


Julien Benda, dans La Trahison des clercs, en appelle à la responsabilité de l’intellectuel. Il défend une autonomie des valeurs absolues comme le vrai, le beau et le bien, indépendantes des variations historiques. Pour cela, il réfléchit à la différenciation entre les différents types de valeurs : valeurs esthétiques, valeurs morales, valeurs politiques et se positionne contre la philosophie de son temps et en particulier contre le vitalisme de Bergson.

Son ouvrage est incompris et vivement critiqué par les intellectuels à sa publication. Il apparaît, de façon caricaturale, comme un auteur qui s’oppose à l’engagement en demandant aux intellectuels de s’abstraire du monde, explique Pascal Engel. Pourtant, sa thèse est plus subtile. Il s’oppose à l’engagement tel que théorisé par Sartre qui prône un engagement pour l’engagement. Benda ne veut pas que les intellectuels se désengagent mais qu’ils ne perdent pas de vue que leur engagement doit être guidé par la boussole de la raison dont les points cardinaux sont les valeurs intangibles.

Julien Benda a une « passion de la raison » selon la formule de Pascal Engel c’est-à-dire qu’il n’y a pas de contradiction pour lui entre la raison et les émotions.

Peut-on être un clerc, un intellectuel tout en étant d’un parti ? Comment ne pas renoncer à la vérité dans l’engagement ? Benda va poser les termes d’un débat qui agite encore tout ceux qui font profession de penser et qui ne veulent pas dans le même temps renoncer à l’engagement.

Avec
  • Pascal Engel Philosophe, directeur d'études à l'EHESS
  • Pascal Ory Historien, Académicien, spécialiste d’histoire culturelle sous l'Occupation

La trahison des clercs n’est pas une sociologie de l’intellectuel mais une analyse des valeurs intellectuelles. L’origine de l’intellectuel naît pendant l’affaire Dreyfus où savants, artistes et philosophes interviennent dans la vie politique, se positionnent, s’engagent. L’intellectuel est aussi bien celui des humanités que celui des sciences pour Benda.

Qu’est-ce qu’un clerc ?

Julien Benda dénonce le paysage intellectuel de son époque. Notamment ceux qui prétendent défendre des valeurs qu’ils confondent avec une idéologique qui plus est, subordonnée au politique. Il attaque du même front les nationalistes et les communistes qui ont trahit leur fonction « au profit d’intérêts pratiques ». Régis Debray précise que la position de l’auteur est celle d’une critique de « la paresse intellectuelle des intellectualistes et l’immoralité des moralistes ».

Le clerc est défini comme un être statique, désintéressé et rationnel. Il s’oppose à l’intellectuel de son temps. La figure du clerc ne tient pas du sacré, elle est parfaitement laïque, mais est au service de la raison.


Bibliographie indicative :
Pascal Engel, Les Loi de l’esprit. Julien Benda ou la raison, Ithaque, 2012
Pascal Ory, Les intellectuels en France, Tempus Perrin, 2004

Pascal Engel "Les lois de l’esprit"

Pascal Engel

Les lois de l’espritJulien Benda ou la raison

Paru en avril 2023

Eliott éditions

La voix de Julien Benda (1867-1956) nous est devenue inaudible. Quand l’auteur de La Trahison des clercs accuse ses pairs de se détourner des valeurs éternelles, nous n’entendons qu’un appel à revenir à la tour d’ivoire. Quand l’une des gloires de la NRF, contemporain de Gide et de Valéry, voue ceux-ci aux gémonies et accuse toute la littérature de son époque de bysantinisme, nous avons du mal à le prendre au sérieux. Dans son culte de la vérité en politique nous ne voyons plus que des vieilles lunes dreyfusardes. Nous pouvons trouver Éleuthère délicieusement réactionnaire, mais nous ne parvenons pas à le suivre.
Ce livre voudrait montrer au contraire que Benda est un penseur français de première grandeur. Sa défense du rationalisme, sa conception des valeurs intellectuelles et sa théorie de la connaissance littéraire méritent encore toute notre attention. On aura compris aussi qu’il n’est pas seulement question de Benda dans ce livre, mais de la nature de la raison et de ses normes. Et de l’incongruité absolue de quelqu’un qui prétendit vivre uniquement pour les valeurs de l’esprit.

[Présentation de l’Éditeur]

Pascal Engel, un philosophe français connu pour son travail dans la philosophie de l'esprit, l'épistémologie et la métaphysique. Son livre "Les lois de l'esprit" est une contribution significative dans le domaine de la philosophie.

Dans "Les lois de l'esprit", Engel explore la nature des états mentaux, tels que les croyances, les désirs et les intentions, et comment ils se rapportent les uns aux autres et au monde extérieur. Il argue que les états mentaux sont gouvernés par des lois, qui ne sont pas des lois physiques, mais plutôt des lois normatives qui guident notre pensée et notre comportement.

La thèse principale d'Engel est que l'esprit n'est pas un récepteur passif d'informations sensorielles, mais plutôt un constructeur actif de la réalité. Il affirme que nos états mentaux sont façonnés par nos facultés cognitives, telles que la perception, l'attention et la mémoire, qui sont gouvernées par des lois qui sont à la fois descriptives et prescriptives.

Certains des idées clés dans "Les lois de l'esprit" incluent :

  • La normativité des états mentaux : Engel argue que les états mentaux ne sont pas juste des faits bruts, mais sont soumis à des normes et des règles qui guident notre pensée et notre comportement.
  • La nature constructive de l'esprit : Engel affirme que l'esprit n'est pas un récepteur passif d'informations sensorielles, mais plutôt un constructeur actif de la réalité.
  • Les lois de l'esprit : Engel propose que les états mentaux sont gouvernés par des lois qui sont à la fois descriptives et prescriptives, guidant notre pensée et notre comportement.

Le travail d'Engel dans "Les lois de l'esprit" a eu un impact significatif sur la philosophie de l'esprit, l'épistémologie et la science cognitive. Ses idées ont influencé de nombreux philosophes et scientifiques cognitifs, et continuent d'être une contribution importante à notre compréhension de la nature de l'esprit.

la pollution de l’information

 
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« fake news » [1] – j’entends par là des informations délibérément trompeuses, répandues par plaisir, par intérêt, et en vue d’en tirer un bénéfice politique. 

Il n’a échappé à personne que, grâce à l’invasion d’internet, nous vivons un âge d’or des pollueurs d’information. Tout autant fontaine du savoir que de la foutaise (bullshit), l’internet est devenu la source la plus utile de faits et la source la plus insidieuse de faussetés que l’humanité ait jamais produite. 

Pourtant, la pollution de l’information n’est pas un phénomène nouveau. Elle a toujours existé, et continuera à être l’arme principale des propagandistes ; c’est par l’usage, et le mésusage, de l’information, que ceux qui désirent manipuler les cœurs et les esprits ont toujours agi.

 Leur objectif est toujours invariablement le même : susciter les passions des citoyens ordinaires et instiller une attitude dogmatique et intolérante. Car c’est en instillant cette attitude qu’on rend les individus capables de perpétrer les actes les plus inhumains envers leurs pareils. C’est ce qu’on observe dans les régimes totalitaires comme dans les démocraties libérales – où la propagande sera nécessairement différente, mais non moins effective.

Pourtant le terme « pollution de l’information » peut être trompeur. La métaphore suppose, qu’à l’instar de la nature, la culture de l’information existerait d’elle-même et serait, dans son état premier, pure. Mais ce sont nous autres humains qui fabriquons et véhiculons l’information et c’est nous qui construisons la culture de l’information. L’internet ne nous est pas tout bonnement tombé dessus. C’est un monde que nous avons créé, et dont nous sommes, dans une large mesure, responsables. 

Comme le sait tout bon propagandiste, on ne peut atteindre les cœurs et les esprits des gens sans faire appel à ce qu’il y a au plus profond d’eux-mêmes. Tel est le procédé des fake news. Nous avons conçu un monde digital qui reflète notre tendance à nous soucier moins de la vérité que nous le professons, quand bien même cela nous encourage à être plus arrogants au sujet de nos convictions tribales.

Extrait Source : 

Politique, vérité et démocratie 
Publication Diogène 2018/1 n° 261-262
Presses Universitaires de France
184 pages 

Pascal Engel traduction 
Voir livre 

Eliott éditions

Disponible
Prix : 28,00 €

faut-il savoir pour décider ?

  
      


Conférence sur le thème de faut-il savoir pour décider ? déc. 2023

Avec Etienne KLEIN, Physicien et Philosophe des sciences, Directeur de recherches au CEA , Producteur de l'émission "La conversation scientifique" sur France Culture Échange par Olivier Fronty

"entre la militance et la compétence autrement dit les gens qui sont les plus militants pour ceci ou pour cela et quand je dis militant c'est pour ou contre et bien en général ils sont pas les plus compétents et les gens les plus compétents en général sont modérés et étant modéré s'engage modérément" E.KLEIN


Notre capacité à faire face aux risques et à décider dans un monde de plus en plus complexe est l’une des clés de la réflexion stratégique et de l'action opérationnelle. Mais comment faire pour orienter notre action lorsque la connaissance nous manque ? Comme nous l'indique cette phrase apocryphe de Kant :

«L’intelligence d’un individu se mesure à la quantité d’incertitudes qu’il est capable de supporter »,cela nous amène assez naturellement à mesurer le degré de connaissance nécessaire pour décider.

Une question se pose alors à nous : faut-il savoir pour décider ?


Pascal ou le scénario de la condition humaine


Laurence Devillairs Paru en octobre 2022 Presses Universitaires de France 256 pages - 15 × 21,3 cm


presentation du livre 

Réduire les Pensées à la seule défense de la religion chrétienne contribue à manquer leur originalité conceptuelle. Or il y a bien une philosophie de Pascal, où l’inquiétude joue un rôle cardinal. Elle dévoile ce que le divertissement escamote: le malheur de notre condition, l’effroyable du réel et l’éphémère de toute consolation.

Contrairement au moi diverti, le sujet inquiet réfléchit sur son « état véritable », recherche vérité et bonheur. L’inquiétude résulte de ce désir du vrai et du bien, et de l’impuissance à le satisfaire. Elle consiste à être privé de ce dont on est capable.

Les Pensées décrivent ainsi l’homme dans le vide de ses capacités comme dans ce qui l’élève, dans l’inconsolabilité de son existence comme dans sa disposition à « travailler pour demain et pour l’incertain ». Si l’inquiétude ne conduit à aucune évidence, au moins sert-elle à « régler sa vie. Et il n’y a rien de plus juste ».

[Présentation de l’Éditeur] https://www.vrin.fr/livre/9782130841883/philosophie-de-pasca

 

Que reste-t-il encore de Pascal ? Les Pensées font partie de ces ouvrages fondateurs qui ont suscité de multiples lectures et commentaires. Laurence Devillairs, agrégée de philosophie, s’est intéressée au concept d’inquiétude, central dans l'œuvre de Pascal. En philosophie, l’inquiétude décrit un état d’incomplétude, d’insatisfaction, de désir impossible de vérité et de bonheur. L'inquiétude est le propre de l'homme, et c'est le principe à partir duquel Pascal a construit sa philosophie.

Les podcasts de l’Institut de France Écouter (49 min.)

https://www.canalacademies.com/emissions/


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LA PLUS GRANDE INDUSTRIE MONDIALE


source https://www.eyrolles.com

Les données témoignant de la taille géante de Wal-Mart ne manquent pas : Wal-Mart est la plus grande entreprise mondiale, le plus grand employeur privé du monde, le huitième acheteur de produits chinois (devant la Russie et le Royaume-Uni); son chiffre d'affaires est supérieur au PIB de la Suisse; son budget informatique supérieur à celui de la NASA; le patrimoine financier des héritiers de Sam Walton (son fondateur) est deux fois plus élevé que celui de Bill Gates... Mais derrière ces superlatifs se cache l'histoire très singulière d'une société de l'Arkansas qui, en l'espace de 40 ans, a révolutionné les vieux modèles fordistes d'organisation du travail et largement reconfiguré les rapports producteurs/détaillants et toute l'économie américaine.



Le succès et l'influence politique de cette entreprise géante lui permettent de redessiner les plans des villes, de déterminer le salaire minimum réel, de casser les syndicats, de définir les contours de la culture populaire, de peser sur les flux de capitaux dans le monde entier, et d'entretenir ce qui s'apparente à des relations diplomatiques avec des dizaines de pays. Alors que la marge de manœuvre des gouvernements demeure restreinte, Wal-Mart semble avoir aujourd'hui plus d'influence que n'importe quelle institution, non seulement sur des pans entiers de la politique sociale et industrielle américaine, mais aussi sur le modèle de vie et de consommation mondialisé, bigot et entièrement familiariste.


Sommaire

- Wal-Mart et les tombées de camion

- Wal-Mart : un modèle pour le capitalisme du XXIe siècle

- De Woolworth à Wal-Mart : la marchandisation de masse et l'aventure de la culture consumériste